Francis Prior nous propose cette réflexion, pour, dans ces moments de grogne de tous bords, mais aussi de remise en cause de notre démocratie, base de notre société, "replacer le débat dans sa perspective économique et sociale". "Le combat contre les impôts et les taxes est l’exemple typique de ce que
le populisme veut faire du débat public. Cacher les réalités et abuser
du ressenti"....
"Les faits les mieux établis semblent toujours sans prise quand la passion, les sentiments, les ressentiments, les rumeurs prennent le dessus.
Pourtant, ces faits, lorsqu’ils sont clairement établis, devraient nous permettre de débattre entre citoyens sans recourir à ces rapports de force qui dénaturent la République.
Au moment même où volontairement ou moins volontairement, un certain nombre de français se lance dans une épopée triste tournée vers le siècle passé, le « Portrait social 2018 » de l’INSEE vient mettre en lumière quelques éléments structurants de notre société.
Ainsi s’agissant du revenu disponible, s’il a baissé entre 2008 et 2016 de 1,2% soit 440€ par an pour l’ensemble des ménages, cela représente en fait 10 € par personne et par an soit 83 centimes par mois et par personne.
Plus intéressant encore, hors effet démographique (c’est-à-dire hausse du nombre de ménages retraités et des familles monoparentales), la diminution du revenu disponible n’est plus que de 0,1%.
Mais surtout, en contradiction flagrante avec la litanie des propos convenus sur l’injustice sociale, les 20% les moins aisés des ménages qui ont vu leurs revenus augmenter par exemple de 450 € (+ 3,9 %) pour les premiers 5% des ménages et de 890 € (+ 5,4 %) pour les cinq suivants.
Par contre, les pertes moyennes de revenu disponible sont significatives pour les ménages appartenant aux 35 % les plus aisés.
Ainsi, entre 2008 et 2016, les réformes des prélèvements et prestations ont participé à la réduction des inégalités.
Ce résultat des mesures correctives des gouvernements successifs est d’autant plus important que la hausse du chômage et du temps partiel subi ou choisi ont amputé le revenu disponible des ménages ayant un niveau de vie inférieur à la médiane (les plus touchés car les moins qualifiés).
C’est dire que ces mesures fiscales et sociales ont permis à la moitié la moins favorisée de la population d’améliorer leur niveau de vie pendant que la crise réduisait le travail disponible.
La République française est bonne fille, comme le rappelle opportunément une compilation d’études réalisée par le Monde au moment où beaucoup évoque le matraquage fiscal :
- Garde d’enfant : 514 € par mois ; coût pour l’utilisateur 195 € (38 % dont 62% Etat).
- Enseignement : 8 710 € par an et par élève (100% a la charge de l’Etat soit 120 000 € de la maternelle à la terminale hors redoublement chiffre 2017).
Coût de la scolarité dans l’enseignement supérieur : 11 670 € par an et par étudiant ; coût pour l’étudiant de 0 à 600 €, soit moins de 6% du coût (donc 94% à la charge de l’Etat).
- Frais par personne hospitalisé : 3 228 € par personne ; coût pour la personne 287 € (souvent pris en charge par la mutuelle).
- Coût moyen du billet SNCF : 107 €, coût pour l’usager 48 € (45% et donc 55% pour l’Etat).
Ces services profitent à tout le monde, mais ce sont surtout les moins aisés qui en ont besoin.
Toutes ces politiques visent à donner à chacun d’entre nous les moyens de vivre sa vie, elles renforcent la cohésion sociale. Aussi je ne puis que m’affliger quand je vois ceux-là même qui ont besoin des services publics et de l’action de l’Etat vitupérer contre les impôts et taxes alors qu’ils n’en paient qu’une toute petite partie et reçoivent au contraire beaucoup.
C’est par ce mécanisme de transfert que si le revenu brut des 10% les plus riches est 21 fois supérieur au revenu des 10% les plus pauvres, il n’est plus après impôts et prestations sociales que 5 fois plus élevé.
De même, le rapport entre le revenu des 20% les plus riches et des 20% les plus pauvres est ramené de 8,3 fois à 4 fois.
Le combat contre les impôts et les taxes est l’exemple typique de ce que le populisme veut faire du débat public. Cacher les réalités et abuser du ressenti. Les fins de mois sont difficiles pour beaucoup, mais c’est d’abord faute d’emplois, mais aussi pour beaucoup, faute de qualification.
Alors encourageons nos enfants à acquérir des qualifications manuelles, intellectuelles, artistiques, de vrais savoir-faire et savoir-être plutôt que de leur répéter sans cesse qu’ils ont des droits."
Article du 24 novembre 2018 I Catégorie : Vie de la cité