Pour la durée du confinement, le kiosque a demandé à Yolande
Mille de traiter d'un sujet lié aux conséquences de la période difficile
que nous traversons. Pour ce quatrième traité (1), la psychanalyste
clinicienne saumuroise aborde la manière dont le port du masque intervient dans nos relations humaines
Se laver les mains plus souvent et bien mieux qu'avant, c'est un effort, car il faut y penser. Mais ce n'est pas un effort physique. On améliore, on prend conscience d'une signification et d'un geste que nous vivions déjà. Mais porter le masque, c'est bien autre chose !
Les entraves
Nous avons tous des réactions variables en degrés : du “je ne le supporte pas”, “je transpire avec le masque”, “je le supporte, mais je respire mal”, en passant par “je le vis bien, mais ce sont les autres qui le vivent mal, ils ne m'entendent pas”, jusqu'à “je le mets et je l'oublie naturellement, ce qui est pénible c'est qu'il faut penser à le changer”. Ces réactions sont-elles toutes radicalement différentes, ou ont-il un ou deux fils conducteurs à travers elles ? Sentiment d'être à l'étroit dans nos mouvements du visage, d'être entravé dans notre respiration et notre élocution, d'être moins bien compris, d'entendre moins bien l'autre, de ne plus voir les expressions de son visage (juste ses yeux), de ne pas être assez vu quand on souhaite manifester un sourire... Notre expression de nous-même devant l'autre et notre accès à ce que l'autre peut nous montrer de lui, voilà peut-être les deux dimensions importantes dont nous sommes privés. "Je me sens moins bien quand je ne suis plus sûr d'être compris" et "je me sens moins bien quand je ne suis plus sûr de bien saisir la parole de l'autre, quand me manquent les signes de ses intentions sur son visage", cela renvoie, sans doute, à notre croyance que le fait d'être vu et celui de voir, suffisent pour être compris de notre interlocuteur et le cerner à notre tour.
La relation à l'autre
Avec ce confinement qui dure (ou ce nouveau confinement), si l'on prend le temps d'y regarder, ne faisons-nous pas l'effort, sans y penser, de parler plus lentement quand on s'adresse à un tiers à travers notre masque ? Pour être sûr d'avoir une chance d'être compris, sans doute ! Pour bien l'entendre, ne sommes-nous pas moins distraits à son égard quand il nous parle derrière le sien ? Ne cherchons-nous pas davantage ses yeux, alors que nous ne regardions qu'un visage d'ensemble avant ? N'allons-nous pas moins vite dans nos échanges sociaux (le “bonjour”, la demande d'information adressée à la personne présente au guichet, etc.) ? Sans nous en rendre compte, nous développons plus d'attention. Nous faisons attention à nos besoins de nous adresser aux autres et nous faisons plus attention aux intentions des autres dans leurs réactions devant nous. Finalement, entre seulement voir le visage de l'autre et faire attention à l'autre, entre la certitude d'être perçu par notre visage et celle d'être l'objet d'un effort d'attention quand quelqu'un regarde fixement nos yeux pour nous entendre, nous n'y perdons pas vraiment !!! C'est sûr, le masque nous aide à aller moins vite dans nos échanges quand nous nous croisons.
Oui, même si nous avons conscience de cela, sans doute le jour où il faudra laisser les masques, peu d'entre nous se diront nostalgiques. Cependant, attention, il sera plus difficile de refouler ce que nous aurons compris de nos difficultés, à avoir l'intention de faire attention les uns aux autres. Il faudra peut-être vraiment en parler avec quelqu'un, de cette difficulté à retrouver l'envie de faire attention et à être l'objet d'attention...
Yolande MILLE 06 78 27 95 28 site : yolande-mille.com
(1) Les trois précédentes rubriques :
- 06/11/2020 : Les conseils de Yolande Mille. Confinement. Que faire si on a peur d'être avec soi même ?
- 13/11/2020 : Les conseils de Yolande Mille. Confinement. La difficulté de vivre en couple.
- 20/11/2020 : Les conseils de Yolande Mille : Covid 19 et la peur de mourir
Article du 27 novembre 2020 I Catégorie : Vie de la cité