La juge des référés du tribunal administratif de Nantes a débouté un jeune agriculteur de Saumur, qui voulait faire suspendre en urgence la mise en demeure que lui avait faite en août dernier la préfecture de cesser son "exploitation irrégulière" de 36 hectares de terres agricoles.
Comme l'avait rappelé son avocat lors de l'audience, cette "mise en demeure" est "l'antichambre des pénalités" infligées aux agriculteurs qui ne respectent pas les critères de priorité (jeune agriculteur, agriculture bio...) arrêtés par le Schéma directeur régional des exploitations agricoles (SDREA) pour attribuer les terres agricoles libérées. Celles-ci peuvent s'élever jusqu'à "900 €" par hectare exploité illégalement, avait-il souligné.
"La décision porte fortement atteinte à l'équilibre financier de son exploitation", mettait ainsi en garde à l'avocat de Valentin Fièvre. "Il en est à son deuxième exercice comptable, et il ne dispose pas d'une trésorerie suffisante pour pallier à la perte de ces surfaces. Son comptable est d'ailleurs pessimiste pour la survie de son entreprise."
Le jeune agriculteur a en effet encore "peu de recettes" alors que le début de son exploitation est marqué par des "charges importantes en termes d'intrants [engrais, ndlr], de semences et de carburant", avait-il dit à la juge. La diminution de ses surfaces cultivées va aussi avoir un impact sur le montant de ses aides européennes.
Sur le fond du dossier, le requérant estimait avoir été "doublé" à tort par un concurrent dans l'attribution de ces 36 hectares de terres, sur lesquels il a déjà planté du colza : la demande d'exploitation de Yohan Guyomard, basé à Verrie, avait en effet été déposée "hors délais", selon lui.
Il s'était vu opposer un refus en 2018 !
La préfecture de Maine-et-Loire, pour sa défense, rappelait que Valentin Fièvre s'était vu opposer un "refus" d'exploiter les terres en cause, en novembre 2018, mais qu'il avait malgré tout persévéré.
"Le requérant ne justifie pas d'un bilan comptable, même intermédiaire, qui pourrait venir conforter le fait que c'est bien le retrait des productions réalisées en 2020 sur les seules parcelles litigieuses qui impacte sa situation financière", faisaient également valoir les services de l'Etat.
"M. Fièvre fait valoir que l'exécution de la décision porte fortement atteinte à l'équilibre financier de son exploitation et le prive de la possibilité d'exploiter des parcelles sur lesquelles des cultures ont déjà été mises en place", résume ainsi la juge des référés du tribunal administratif de Nantes dans son ordonnance.
"Toutefois (...), les parcelles (...) ont fait l'objet d'un refus d'exploiter par arrêté préfectoral du 20 novembre 2018", constate la magistrate. "Au surplus, les pièces jointes à la requête ne permettent pas d'établir que ce soit la cessation d'exploitation des parcelles (...) qui mette en péril la viabilité de son activité."
Le tribunal administratif de Nantes réexaminera l'affaire sur le fond, mais cette fois-ci par une formation collégiale de trois juges, sous 12 à 18 mois.
Eclairage complémentaire : La reprise de terres
libérées par un départ à la retraite ou une cessation d'activité d'un
agriculteur est contrôlée par la SAFER. L'objectif est de permettre à tous de pouvoir devenir agriculteur afin d'éviter que des entreprises déjà très importantes ne s'agrandissent encore. Lire ici.
Pour trancher des candidatures concurrentes (ce qui arrive souvent), des critères sont arrêtés dans un "schéma" régional; Lire ici Dans le monde agricole, les accusations de tricherie ou de favoritisme sont fréquentes. Il est parfois reproché que des financiers créent des montages compliqués pour financer l'installation d'un jeune ou que des membres de commissions paritaires ou bancaires soient accusés de favoritisme.
Article du 30 novembre 2020 I Catégorie : Vie de la cité